21 novembre 2024

Région de l’Est Cameroun : Les élites contre ou pour le développement ? D’André Marie Mbida au Président Paul Biya, l’histoire des élites de la région de l’Est Cameroun fait apparaître une constante.

 

C’est l’opposition toujours renouvelée de ces élites, à la base qu’ils sont censés représenter. Une opposition que seule est capable de contrecarrer le développement. La nécessité de parler des élites de la région de l’Est Cameroun a toujours paru d’actualité et le demeure. Tant le potentiel et la richesse du sol et sous-sol de cette partie du pays contraste avec son développement.

Bien qu’ayant quasiment triplé entre les recensements de 1976 et 2005, présente, avec moins d’un million d’habitants. Soit 4,4 % de la population totale du Cameroun. Cette région reste la moins densément peuplée avec 7,1 habitants au km2, si on exclut le flux important de réfugiés présents. Cependant qu’il soit entendu, la région de l’Est n’est certainement pas la seule région pauvre du pays, où l’élite semble peu se préoccuper de l’intérêt général de la communauté, sauf que de ce côté, chacun veut avoir sa place au soleil.

Chacun a sa place, à son tour

Nul n’a peut-être mieux décrit les tumultueux rapports politiques ayant cours dans la région de l’Est Cameroun que ce digne magistrat hors hiérarchie, de Doumaintang, aujourd’hui Conseiller Technique au Ministère de la Justice. Michel Ange Angouing, bien avant son passage à la tête du Ministère de la Fonction Publique, dans ses nombreuses chroniques, a toujours fustigé cette manière peu orthodoxe de faire la politique dans la région l’Est. Où on doit être le seul coq de la basse cour et faire des croques en jambes aux frères qui ont l’ambition d’émerger.

Joseph Le, Ministre de la Fonction Publique dans le même élan est venu enfoncer le clou, dans un discours funèbre, en hommage au ministre Dodo Ndoke, lorsqu’il affirme : « On ne s’élève pas en éliminant d’abord son frère ou sa sœur. » C’est tout dire de l’environnement politique dans la région du Soleil Levant, où le peu de fils et filles ayant lu quelques bon livres, est embastillé dans les guerres de positionnement à n’en point finir.

La révolution manquée

Les valeurs de solidarité, d’entraide, de service et de générosité qui caractérisent les peuples de la région de l’Est, semblent ne plus être les choses les mieux partagées. Les premières élites ont su tenir leurs cadets par la main. Leur générosité allait bien au-delà du clan, du village, de l’arrondissement et de la région. L’humanisme et le sens du devoir bien accompli ont su guider leurs choix. Ce qui pourrait justifier, leur statut au rang des figures majeures de la scène politique camerounaise à une période donnée, de la vie de la Nation.

De fil en aiguille, la région de l’Est a progressivement perdu son influence et son statut, dans la prise des décisions qui engagent la vie de la Nation. Avec désormais une élite peu influente, moins portée vers l’intérêt général que pour des intérêts particuliers. Et souvent totalement déconnectée de la base, dont elle semble avoir perdu toute légitimité. La région toute entière semble avoir manqué sa révolution enclenchée du temps de Félix Sabal-Lecco, Marcel Marigoh Mboua et bien d’autres. René Zé Nguélé et Janvier Mongui Sossomba ont porté les maigres espoirs.

Des frustrations qui perdurent 

Si une cohésion nationale est si chère à l’Etat du Cameroun, la réconciliation des peuples de la Région l’Est est appelée de tous les vœux. Mais l’enseignement de Machiavel demeure et, face à ce monde mouvant et menaçant, les peuples ne renoncent pas à en appeler à la protection de l’Etat. La crise des réfugiés centrafricains et la montée en puissance de l’insécurité sont des signaux, des équations à venir que devra résoudre l’élite montante. L’attrait que le sous-sol du Soleil Levant exerce sur divers peuples complexifie davantage les rapports entre résidents et ressortissants de cette partie du Cameroun. Notamment, à l’heure où la nationalité camerounaise se trouve confrontée à plusieurs heurts. La colère des populations de la Région de l’Est contre ses élites, est de s’être senti dévalorisé et abandonné sous le regard complice de certains de ses fils proches du pouvoir qui n’ont jamais levé le petit doigt. Les clichés sombres des routes, hôpitaux, écoles et autres infrastructures témoignent de cet état de désœuvrement, où il faut lutter pour survivre.

L’éveil de l’Est

Inéluctablement l’Est s’éveillera. A ce jour, bon nombre de fils et filles sont allés s’abreuver de savoir, et savent désormais que leur Région a son mot à dire sur les enjeux d’avenir. Un avenir riche et plein d’espoir. Espoir que l’Est symbolise cette sorte d’eldorado pour les peuples. Une enquête récente, réalisée en 2023 par l’Eveil de l’Est, organisation qui rassemble un groupe d’intellectuels originaires de cette partie du pays, démontre que les attentes des peuples de l’Est mêlent à la fois des aspirations égalitaires et une reprise en main plus ferme des rênes du pouvoir. « L’avenir du système social » apparaît en tête des préoccupations.

Dans le même temps, 69 % des jeunes estiment que l’Est a besoin de vrais représentants et d’un chef au Cameroun pour remettre de l’ordre. L’exploitation anarchique des forêts et des minerais doit être stoppée rapidement. Autant de sentiments partagés ça et là dans diverses localités. Le populisme d’une certaine élite n’est alors rien d’autre que la réponse des classes les moins favorisées à cette « trahison » des élites successives de leur mission historique.

 

Par Thierry EBA

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